Hommage à Jackie Vautour, signé Jean-Marie Nadeau

En début de semaine, nous avons appris le décès du militant acadien, Jackie Vautour. La SANB a donc demandé à un de ses anciens présidents et un ami de M. Vautour, Jean-Marie Nadeau, de rédiger un texte en hommage à cet homme qui a tant marqué l'Acadie.  


Nous venons de perdre un grand personnage de l’Acadie moderne en la personne de Jackie Vautour. Par le présent texte, je tiens à lui rendre hommage. 

La vie nous offre de ces moments heureux et privilégiés de côtoyer d’autres humains plus grands que nature. Pour ceux et celles qui ont eu la chance de connaître personnellement Jackie Vautour, ce fut un de ces moments. Quand on parle de Jackie, il est difficile de ne pas mentionner Yvonne, son épouse, avec qui il formait un des plus beaux couples fusionnels en Acadie. 

On n’a pas à avoir connu Jackie personnellement pour réaliser qu’il a été un des plus grands leaders populaires dans l’histoire de l’Acadie, surtout la contemporaine. L’expropriation des terres et des villages acadiens dans Kouchibouguac au début des années 70 pour y bâtir un parc était en partant une injustice. Tellement injuste, que le gouvernement fédéral a changé la loi sur les parcs en l’an 2000, bannissant à l’avenir toute expropriation avant de créer un parc. Jackie et les expropriés ont toujours plaidé que la création du Parc Kouchibougouac était un geste illégal. Pourquoi ne permettons-nous pas aux expropriés de retourner sur leurs terres comme on l’a fait à Mirabel ? 

La cause de Kouchibougouac a fait l’objet d’un très grand soutien populaire, surtout dans les années 70, et beaucoup de la part des étudiants et étudiantes de l’Université de Moncton. On allait même jusqu’à parler de deuxième déportation pour définir la cause. Mais Jackie a souffert du manque de soutien et de considération de la part surtout des institutions acadiennes dont l’Université de Moncton, la SANB elle-même et la SNA. Mais il se réjouissait de savoir et de sentir que le peuple acadien en général le soutenait. 

L’histoire de Kouchibougouac a été parsemée de violences et d’acharnement gouvernementaux. Tous ont en tête le 6 novembre 1978 quand un bulldozer a rasé la maison de Jackie. Qui ne se souvient pas de l’expulsion brutale de la famille Vautour du motel à Richibouctou ? Qui ne sait pas que des GRC ont failli noyer Yvonne lors de leur arrestation pour pêcher des coques en 1998 ? Et que dire du refus de Parcs Canada de permettre à des citoyens, il y a quelques années, d’offrir une maison décente à Jackie et Yvonne ! 

Même si Jackie a toujours eu à cœur le drapeau acadien, il avait décidé avec les expropriés, ces dernières années, que la carte métisse serait plus appropriée pour continuer à mener leur combat vers plus de justice. 

On n’a pas à être en accord ou en désaccord avec le choix de combat des ressortissants de Kouchibougouac. Ce que l’on doit reconnaître, ce sont la persévérance et la constance qui portent ce combat. Jackie, comme toute personne forte, ne laissait personne indifférent et pouvait susciter de la controverse. Mais, on ne pouvait questionner la profondeur de ses convictions, et son intégrité. 

Combattant. Beausoleil Broussard des temps modernes. Figure emblématique. Héro. Mentor. Tous des qualificatifs qui lui vont bien. Le plus honorable dans tout cela c’est que Jackie est un modèle acadien qui plaît aux jeunes, dont les artistes. C’est tout à son honneur. Il fait partie de l’imaginaire collectif. 

Jackie incarnait et personnifiait l’une des figures majeures de l’histoire de la résilience et de la résistance acadiennes dans ce qu’elles ont de plus noble et de plus beau. Ces vertus habitent l’ensemble des expropriés. La lutte ne s’arrête pas là. Il y a un Jackie junior en la personne de son fils Edmond. L’âme et le spectre de Jackie sont pérennes. Il y aura toujours du Vautour dans l’air. L’Acadie ne peut que s’en réjouir. Nos condoléances les plus sincères à la famille, aux amis, et au peuple acadien. Repose en paix, Jackie ! 

Jean-Marie Nadeau 

Ancien président de la SANB


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