Acadie Nouvelle, 23 octobre 2017
Responsable des communications et des relations publiques de la SANB, Éric Dow

Il y a presque deux mois, je me suis lancé de tout coeur dans le milieu associatif acadien.
Frais sorti de mes études postsecondaires, je m’y suis lancé sans réserve aucune, propulsé par la conviction que nos structures de représentation citoyennes demeurent un outil indispensable dans l’élaboration d’une société qui finira un jour par nous ressembler.
Une conviction naïve? Peut-être. Une conviction nourrie par un idéalisme et un optimisme démesuré? Presque certainement.
Quoi qu’il en soit, je suis maintenant depuis deux mois le nouveau responsable des communications et des relations publiques à la Société de l’Acadie du NouveauBrunswick.

Je dois avouer que je m’habitue toujours à porter ce nouveau chapeau. Toutefois, c’est avec ce chapeau à la tête que je me suis présenté mardi soir au Delta Beauséjour de Moncton afin de participer à la deuxième séance d’information du gouvernement provincial sur la privatisation des services extramuraux et de télésoins. Cette rencontre faisait partie d’une tournée provinciale organisée pour informer la population du bien-fondé de cette privatisation, sans doute dans l’espoir d’apaiser une perçue grogne populaire.

À vrai dire, je ne savais pas tellement à quoi m’attendre.
Assis dans la salle de conférence comble, j’attends avec intérêt l’ouverture du rideau, un spectateur impatient de participer à son premier spectacle politique. Autour de moi, les gens continuent à s’asseoir et je remarque une diversité de figurants: des infirmières à la retraite, des médecins de famille, des leaders de la communauté acadienne, des membres du regroupement des aînés, des journalistes et de simples curieux. Une chose est certaine: la santé, c’est un dossier qui laisse peu de gens indifférents. Les lumières se braquent sur le podium devant nous. Le changement de ton dans la salle est palpable. Un fonctionnaire se lève et s’adresse à la foule. On nous demande de bien vouloir mettre nos appareils en mode vibration. Le rideau s’ouvre et le spectacle commence.

Entrent sur scène nos acteurs principaux: Benoît Bourque, ministre de la Santé, et Bernard Lord, président-directeur général de Medavie. Après un court préambule de nature administrative, chacun prend la parole pour vanter à son tour les mérites de ce nouveau partenariat public-privé. On nous parle de population vieillissante. On nous parle d’augmentation de la qualité des services. On nous parle d’une meilleure intégration des soins offerts. On nous parle de l’expertise du secteur privé en la matière. Bernard Lord nage comme un poisson dans l’eau, naviguant entre les deux langues officielles pour peindre un portrait des plus roses d’un avenir où Medavie saura résoudre l’ensemble de nos problèmes de santé.

Je me laisse temporairement convaincre par les beaux mots et les jolis graphiques. Et s’ils avaient raison? Se pourrait-il que la privatisation soit la réponse aux difficultés qui affligent notre système de santé? Le néophyte politique en moi aimerait bien y croire: n’est-ce pas au gouvernement de veiller à la bonne santé de ses contribuables?
Les discours finissent et je me sens un peu étourdi. Comment va se dérouler le deuxième acte de ce théâtre politique?
On ouvre la période de questions. Avec une rapidité surprenante, le théâtre d’été de la première partie prend rapidement des allures de drame policier américain.

«Sur quelle étude vous êtes-vous basé pour conclure que la privatisation était bel et bien la bonne voie à prendre pour résoudre nos problèmes en matière de santé?», demande un figurant septuagénaire.
«Il n’y a pas eu d’études effectuées à ce sujet», précise le ministre.
«Et qui sont les autres entreprises qui ont répondu à l’appel d’offres?», demande une femme dans la quarantaine.
«Il n’y a pas eu d’appel d’offres», répond le ministre.
«Pouvez-vous nous lister les mesures concrètes que vous allez prendre pour assurer l’augmentation de la qualité des services?», demande un journaliste. «Nous allons augmenter la qualité des services», répète simplement le présidentdirecteur général de Medavie.

Pendant presque deux heures, hommes et femmes se sont succédé devant le micro afin de faire entendre leur désaccord sur la privatisation proposée par le gouvernement libéral. Certains ont posé des questions très pointues; d’autres ont livré des témoignages personnels éloquents et forts en émotion. Un thème commun qui semblait toutefois émaner de chaque intervention était le profond rejet de la vision du gouvernement d’un système de santé partagé avec le secteur privé. J’ai ressenti dans chaque propos la forte conviction que si la population acadienne de la province était pour se prendre en main, ce ne serait pas en confiant la gestion de ses soins de santé à des entreprises privées qu’elle y parviendrait.
J’ai senti une profonde empathie envers chaque personne qui a eu le courage de prendre la parole lors de cette réunion. Peut-être qu’ensemble, nous réussirons finalement à créer une société qui nous ressemble.
Je suis sorti de la salle de conférence la tête haute; un peu moins naïf certes, mais tout aussi convaincu.